J'ai écrit un article pour "fêter" ma première année sans Facebook. Vous avez bien lu, je suis en sevrage depuis maintenant un an. L'article a été publié sur
regardpublic.net, et je le recopie ici en version originale pour les fidèles lecteurs de mon blog:
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Être ou ne pas être – sur Facebook ®
La question paraît d'abord anachronique. « Quoi, tu n'as pas Facebook? » me demande-t-on. Et non, je n'ai plus FB. Je m'appelle Boris, et je suis clean depuis un an.
Il y a sans doute une panoplie de raisons de vouloir s'affranchir de son compte Facebook: chronophage, Facebook sucerait
55 minutes par jour de l'utilisateur moyen; espion, il conserve et vend des informations vous concernant; paparazzi, il s'y trouve parfois publié des clichés non-désirés de la dernière soirée bien arrosée. J'ose croire que le sentiment d'être en permanence sur la corde raide dans le domaine de sa propre vie privée – après avoir, par exemple, accepté comme
ami son beau-père et son patron – doit taper sur les nerfs du
microblogueur lambda. Cependant, aucune de ces raisons n'ont véritablement justifié mon départ de Facebook. C'est plutôt la question: Est-ce aujourd'hui possible de se déconnecter pour de bon?
Déjà, techniquement, c'était assez ardu: Facebook ne laisse pas qui veut effacer son profil, mais offre seulement de le désactiver temporairement en vue d'une réhabilitation prochaine. Des recherches sur divers blogs ont donc été nécessaires, mais je conseille encore à ceux et celles qui sont tentés par le suicide numérique une alternative plus facile: publier
L'Origine du monde, de Courbet, œuvre qui représente les parties génitales féminines, et laisser les modérateurs de l'entreprise californienne (qui sont d'un
désarmant puritanisme à l'américaine) annihiler votre profil souillé par du contenu pour adulte.
En juin dernier est donc survenue, sans tambour ni trompette, ma mort socio-numérique. Après avoir passé quelques années dans ce flot incessant de communications, l'euphorie du silence radio fut de courte durée. On se remet à utiliser les outils archaïques que sont le téléphone et le courriel – forçant d'ailleurs nos correspondants à faire de même (en effet, on a presque oublié que la communication est de nature dialectique). Sans surprise, on tombe sans nouvelles d'au moins 90% de nos contacts, qui étaient jusqu'alors répertoriés sous l'appellation amis. On se condamne dès lors à être éternellement en retard sur les événements, toujours le dernier à savoir les dernières nouvelles concernant amis, collègues et même famille. Incidemment, cette année, je n'ai pas vu la centaine de photos de voyage que telle connaissance a publiée, je suis resté dans l'ignorance la plus complète concernant les activités quotidiennes de mon cousin et on ne m'a invité à joindre aucun groupe me proposant de savoir qui regarde le plus mon profil (apparemment la plus grande question philosophique du 2.0).
Facebook est avant tout un système social et, en tant que tel, il s'autonomise et se reproduit, nous dirait le sociologue Niklas Luhmann. Communiquer plus, communiquer mieux; tel est le progrès, n'est-ce pas? Prenant de plus en plus pour acquis qu'autrui a Facebook, les rencontres post-modernes font plus souvent qu'autrement l'économie de la demande d'usage: « Est-ce que tu as un compte Facebook? », préférant la formule courte: « Tu peux m'ajouter sur Facebook? ». Ne plus être représenté sur les médias sociaux numériques condamne indubitablement à une certaine marginalité.
Quitter Facebook, c'est jeter le bébé avec l'eau du bain? Peut-être. N'empêche que mon année sans Facebook a généré, l'air de rien, pas mal de temps libre: celui que ce média meublait autrefois. Cette année, j'ai lu plus. J'ai fait plus de sport. J'ai tenu un blog (« tricheur, tu es encore égotique! », dites-vous. Et oui...). Pour être franc, cela n'a pas changé ma vie. N'en déplaise à certains prophètes anti-Facebook, je ne conseillerais pas spécialement à un ami de cesser son utilisation. Socialise bien qui veut.
Maintenant la question: est-ce que j'y retourne pour l'année prochaine?